L’histoire du 37 rue Thubaneau, symbole du mal logement

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Au cen­tre-ville de Mar­seille, étroite­ment logée entre le cours Bel­sunce, la Canebière et le boule­vard d’Athènes, la rue Thubaneau con­cen­tre à elle seule des pans d’histoire. Si elle tire son nom d’une salle où les gens se retrou­vaient pour fumer le tabac, tubanèu en provençal, et accueil­lait aus­si des femmes du monde venues user de leurs charmes, c’est aus­si là que la Mar­seil­laise fut chan­tée pour la pre­mière fois et que les révo­lu­tion­naires pren­dront la route pour Paris en 1792 pour attein­dre les Tui­leries. Aujourd’hui, un immense dra­peau français en cuiv­re sort du mur au numéro 11 en sou­venir des révo­lu­tion­naires.

Quelques immeubles plus loin, et 200 ans ans plus tard, au numéro 37, c’est une tout autre his­toire qui est en train de se pro­fil­er, celle d’un immeu­ble en délabre­ment, pra­tique­ment aban­don­né par son pro­prié­taire lais­sant les locataires livrés à eux-mêmes face aux dégra­da­tions, affaisse­ment des paliers, fis­sures et effrite­ment des murs, presque tous sont par­tis.

Nous retrou­vons Alice, anci­enne locataire d’un des deux apparte­ments situé au 4ème et dernier étage, de 2015 à novem­bre 2018. Arrivée tout juste de la rue Beau­veau où la ville de Mar­seille a mis en place un espace d’accueil pour les pop­u­la­tions évac­uées, délogées, cette jeune femme de 28 ans se bat depuis des années avec son pro­prié­taire pour sauver son immeu­ble de la ruine.

Cette vidéo a été tournée en décem­bre 2018 : aujourd’hui, la sit­u­a­tion n’a pas changé, l’immeuble est tou­jours acces­si­ble. Sur la porte, pas d’ar­rêté de mise en péril, pour­tant il suf­fit de grat­ter le mur d’entrée pour com­pren­dre que les parois de l’immeuble sont gorgées d’eau.

His­torique de l’in­salubrité
En août 2016, un arrêté de mise en péril émis par la mairie de Mar­seille signé le 26 août 2016 recon­naît que le 11 août 2016, le pla­fond du hall d’entrée s’est effon­dré suite à des infil­tra­tions d’eau sig­nalées par les locataires du pre­mier étage. L’intervention des marins pom­piers et de l’huissier l’attestent, 3m² de pla­fond du deux­ième étage se sont égale­ment effon­drés, et l’affaissement du palier du 4ème étage représente un dan­ger pour tout pub­lic qui se rend dans l’immeuble. Alice con­serve pré­cieuse­ment tous les doc­u­ments. Suite à cet arrêté, le pro­prié­taire fut dans l’obligation de réalis­er des travaux et un arrêté de main lev­ée émis le 7 octo­bre 2016 a per­mis aux locataires de réin­té­gr­er leurs apparte­ments. Mais Alice con­fie qu’ils ont dû réin­té­gr­er l’immeuble le 26 sep­tem­bre, avant la main lev­ée, et pay­er ain­si le loy­er d’octobre. Pour Alice, la tuyau­terie à l’origine des infil­tra­tions d’eau n’a pas été refaite cor­recte­ment et les travaux réal­isés furent très suc­cins. L’état de l’immeuble a donc con­tin­ué à se détéri­or­er.

Après les fortes pluies hiver­nales à Mar­seille en novem­bre 2018, l’immeuble déjà très vétuste s’est à nou­veau forte­ment dégradé, une par­tie du pla­fond d’un des apparte­ments au dernier étage est tombé (cf vidéo), là où logent des jeunes.
Suite à l’effondrement des deux immeubles dans le cen­tre-ville, près de 2 000 per­son­nes ont été délogées, le 3ème et le 4ème étage du 37 Thubaneau aus­si.
Les locataires ont pu cepen­dant réin­té­gr­er leurs apparte­ments assez rapi­de­ment à la con­di­tion que le pro­prié­taire fasse les travaux néces­saires, faute de quoi l’immeuble serait mis en péril.
L’administration a don­né le feu vert aux habi­tants de réin­té­gr­er l’immeuble, 3 experts dont deux man­datés par la ville sont venus con­stater l’état des loge­ments. « Ils n’ont pas fait véri­fi­er les caves, c’est nous qui avons été pointilleuses dans l’élaboration d’un « état des lieux » et non eux ! » s’indigne Alice. Devant l’inaction du pro­prié­taire, de la mairie et de l’état de dégra­da­tion de l’immeuble et le risque d’effondrement des paliers, les derniers locataires du 2ème étage et Alice au 4ème étage ont alors organ­isé un démé­nage­ment éclair de leurs apparte­ments. Ils on été oblig­és de se rel­oger seuls, engageant des frais qui en principe ne devaient pas leur incomber, c’est une longue lutte judi­ci­aire dans laque­lle ils se lan­cent aujourd’hui pour faire val­oir leurs droits.

Le 37 rue Thubaneau le 7 févri­er 2019, l’im­meu­ble est tou­jours acces­si­ble. @HB
Le 7 févri­er 2019, l’en­trée de l’im­meu­ble et cer­tains étages sont squat­tés. @HB
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