Edito : Quand les villes s’effondrent, (se) reconstruire

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Le 5 novem­bre 2018 à Mar­seille, deux immeubles s’effondrent. Sous les décom­bres, les corps de huit per­son­nes. Depuis, des immeubles sont évac­ués partout dans la ville, et la ques­tion de l’habitat indigne est au cœur des préoc­cu­pa­tions. Près de 2 000 Mar­seil­lais délogés atten­dent pour la plu­part des propo­si­tions de rel­o­ge­ment durables, et les familles des vic­times se pré­par­ent à un long com­bat judi­ci­aire. “La jus­tice se hâte lente­ment”, prévient l’un des avo­cats. Mais les citoyens organ­isés en col­lec­tifs et asso­ci­a­tions mobil­isés sur le sujet parvi­en­nent à rem­porter de petites vic­toires et à faire respecter le droit au loge­ment digne face à une mairie, une métro­pole et une pré­fec­ture qui leur accor­dent peu de crédit.

L’équipe de 15–38, dont une par­tie des mem­bres vit à Mar­seille, a été par­ti­c­ulière­ment touchée par ce drame. Nous avons souhaité, comme nous l’avons fait pour nos dif­férents dossiers, met­tre en valeur ceux qui se mobilisent face à des logiques urbaines qui favorisent l’enrichissement, en met­tant de côté le droit à vivre digne­ment. Partout autour de la Méditer­ranée, des col­lec­tifs, des asso­ci­a­tions ou des habi­tants lut­tent con­tre l’habitat insalu­bre.

Les caus­es du délabre­ment de l’habitat sont mul­ti­ples. En Libye, la guerre qui a frap­pé la ville de Beng­hazi a lais­sé un cen­tre-ville dévasté. Au Liban, à Bey­routh, la hausse des loy­ers et les con­struc­tions lux­ueuses qui rem­pla­cent les maisons touchées lors de la guerre civile ont poussé peu à peu les habi­tants “les moins bien lotis hors de la ville”. En Algérie, il faut fouiller dans l’histoire colo­niale pour com­pren­dre la créa­tion des bidonvilles.

Face à l’indigne, des citoyens inven­tent des mod­èles coopérat­ifs. A Rome, depuis les années 1980, l’autorecupero sème ses immeubles dans la ville. Frap­pées par l’endettement, des familles mis­es à la rue ont ain­si accès à des immeubles réqui­si­tion­nés par les col­lec­tifs. Rien d’illégal : la munic­i­pal­ité reste pro­prié­taire des bâti­ments, eux se char­gent de rénover les loge­ments.

En Turquie, des acteurs asso­ci­at­ifs for­ment les habi­tants pour qu’ils défend­ent leurs droits à con­serv­er leur loge­ment et qu’ils récla­ment leur titre de pro­priété à l’Etat, face aux poli­tiques de réha­bil­i­ta­tion urbaine.

Partout dans les villes méditer­ranéennes, les immeubles vacants ne man­quent pas. Quand nos villes s’effondrent, à nous de réin­ven­ter et de recon­stru­ire : “de toute façon, (nous) ne pou­vons plus atten­dre”, pour repren­dre les mots d’Ahmed à Beng­hazi. La vie et l’avenir de nom­breuses familles sont en jeu et néces­si­tent des poli­tiques du loge­ment qui assurent la pro­tec­tion des habi­tants. Ce tour de Méditer­ranée nous apprend une fois de plus que les enjeux socié­taux se ressem­blent au cœur des villes du pour­tour méditer­ranéen.

Lors d’une mat­inée de tra­vail sur la presse, des élèves de sec­onde du lycée Thiers de Mar­seille ont planché sur le dessin de presse. Cer­tains ont souhaité exprimer leur ressen­ti con­cer­nant la ques­tion du mal-loge­ment à Mar­seille. Nous repro­duisons ici leurs dessins avec leur accord. L’oeil est déjà aigu­isé et le cray­on acéré…

Dessin de Une : Mayssa et Abdelaziz, seconde G du Lycée Thiers de Marseille

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