Au Liban, le gaz est un enjeu électrique

Depuis le mois de mars 2020, un con­sor­tium mené par le français Total et l’italien ENI a lancé ses recherch­es en mer Méditer­ranée pour déter­min­er le niveau des...

659 0
659 0

Depuis le mois de mars 2020, un con­sor­tium mené par le français Total et l’italien ENI a lancé ses recherch­es en mer Méditer­ranée pour déter­min­er le niveau des ressources en gaz off­shore dans les eaux du Liban. Un enjeu économique et poli­tique alors que le pays a de plus en plus de mal à pro­duire l’électricité néces­saire à sa con­som­ma­tion.

Quinze heures de coupure élec­trique en une journée dans la cap­i­tale libanaise à la mi-mai. Les Bey­routhins n’en revi­en­nent tou­jours pas, eux qui sont pour­tant habitués aux 4 heures de coupures quo­ti­di­ennes et au bruit des généra­teurs privés qui pren­nent le relais pour palier les défail­lances du réseau nation­al. La pro­duc­tion élec­trique de l’entreprise EDL (Elec­tric­ité du Liban), qui détient le mono­pole depuis les années 1960, est insuff­isante depuis la fin de la guerre civile. Avec l’effondrement de l’économie libanaise ces dernières années, la com­pag­nie pour­rait bien être en dif­fi­culté pour s’approvisionner en mazout, car­bu­rant importé pour pro­duire l’électricité dans les cen­trales du pays.

Pour­tant, les cen­trales ther­miques libanais­es ont été conçues pour être appro­vi­sion­nées en gaz et ain­si fournir de l’électricité à plus bas coût. Mais de gaz, il n’y en a plus « et les capac­ités de stock­age du pays sont lim­itées », explique Diana Kaissy, direc­trice exéc­u­tive de l’ONG Logi (Lebanese Oil and Gas Ini­tia­tive). À la fin des années 2000, le Liban importe pour­tant du gaz naturel d’Egypte via le gazo­duc arabe. La Syrie four­nit égale­ment de l’électricité. Mais, les impor­ta­tions de gaz naturel ont été sus­pendues lors de la révo­lu­tion égyp­ti­enne. Et l’imposition de sanc­tions améri­caines au régime syrien empêche de repren­dre les appro­vi­sion­nements depuis le ter­ri­toire voisin. Début 2019, l’entreprise russe Ros­neft signe un con­trat l’autorisant à réha­biliter et exploiter les instal­la­tions en hydro­car­bu­re du port de Tripoli, dans le nord du pays. « Le proces­sus sera long, mais devrait per­me­t­tre à ter­mes d’augmenter les capac­ités de stock­age et peut-être ain­si de remet­tre en place la liai­son avec le pipeline de Kirk­ouk en Irak qui appro­vi­sion­nait aupar­a­vant le port de la grande ville du nord en gaz », pré­cise Diana Kaissy.

Explor­er la zone économique mar­itime libanaise

Hormis, la voie ter­restre, les experts et poli­tiques libanais comptent aujourd’hui sur les réserves mar­itimes, enfouies à plus cen­taines de mètres sous les fonds marins. L’exploitation de gaz off­shore au large des côtes libanais­es est ain­si vue comme une solu­tion aux prob­lèmes libanais. A l’issue d’un appel d’offres, le con­sor­tium mené par le français Total, le groupe ital­ien ENI et les russ­es de Novatek rem­porte deux lots à explor­er et exploiter en 2018.
Depuis le mois de févri­er, les recherch­es ont été lancées dans l’un des lots des eaux libanais­es. Fin avril, le min­istre libanais de l’énergie annonce que les pre­mières recherch­es révè­lent des ressources insuff­isantes pour une exploita­tion com­mer­ciale du puits. Les poli­tiques libanais reti­en­nent leur souf­fle, les multi­na­tionales aus­si. Car pour Diana Kaissy, l’enjeu financier est impor­tant y com­pris pour les grands groupes pétroliers. « Le con­sor­tium s’engage à inve­stir près de 112 mil­lions de dol­lars dans la seule explo­ration des deux blocs attribués. S’il n’y a rien, les entre­pris­es plient bagage et ne seront pas rem­boursées de cet investisse­ment de départ. Cela laisse penser que ces grands groupes ont pris en compte ce risque avant de se lancer dans les recherch­es ». D’autant que la zone n’est pas neu­tre en ter­mes géopoli­tiques, ce qui ajoute une dif­fi­culté et une incer­ti­tude à l’investissement de départ.

Le coût sécu­ri­taire du gaz

Au sud du Liban, sur la ligne bleue, les troupes onusi­ennes de la Fin­ul main­ti­en­nent un calme relatif entre le pays des Cèdres et Israël. Depuis l’occupation du sud Liban par l’armée israéli­enne à par­tir de 1982 et jusque dans les années 2000, les deux pays n’ont pas repris de rela­tions diplo­ma­tiques. Au large des côtes, cer­tains puits sont situés dans une zone con­testée. Cette fragilité diplo­ma­tique est prise en compte par les multi­na­tionales.

En fonc­tion des ressources des dif­férents puits, un pour­cent­age des revenus d’exploitation est rever­sé à l’Etat libanais et le reste revient aux com­pag­nies. Dans une zone comme celle de l’est de la Méditer­ranée, les ten­sions poli­tiques et sécu­ri­taires mod­u­lent les pour­cent­ages. Ain­si, le bloc 4 actuelle­ment exploré et situé vers Batroun, au nord de Bey­routh la cap­i­tale libanaise a été négo­cié entre 63 et 71% de revenus rever­sés à l’Etat libanais. Dans le bloc 9, proche d’Israël, dont 8% de la sur­face se trou­ve dans la zone dis­putée entre les deux pays, les pour­cent­ages ont été fixés entre 56 et 61%. « Les com­pag­nies pren­nent en compte le coût sécu­ri­taire des for­ages », explique Diana Kaissy qui pense mal­gré tout que les gou­verne­ments israéliens et libanais seront à ter­mes for­cés de négoci­er sur ce sujet là. « Le gaz ne con­naît pas de fron­tières et l’un ou l’autre sera peut-être amené à puis­er dans les réserves de son voisin au détour d’un puits », pré­cise l’analyste.

In this article