A Marseille, une équipe de soignant.e.s militant.e.s fait le pari de réinventer ses pratiques et son rapport aux usagers dans un centre de santé « enchanté ».
C’est par un petit sentier de graviers que l’on accède au « Château en santé ». Passée la banderole de bienvenue, sous les pins et dans le silence de cette fin de matinée, un petit air de Provence. Les tours de béton aux volets rouillés et à l’allure fatiguée qui ceinturent la propriété viennent nous rappeler que nous sommes dans les quartiers Nord de Marseille : un enchevêtrement de villages et de grands ensembles qui fait la particularité de ces arrondissements délaissés de la deuxième ville de France.
Depuis le 2 janvier 2018, la vieille bastide de pierres ocres et rouges accueille des patients. A l’intérieur, des peintures fraîches, une salle d’attente colorée égaillée par des dessins d’enfants. Pour patienter, Christophe, l’accueillant infirmier nous propose de se servir un café ou un thé. Le centre de santé a été réfléchi pendant de longues années et favorise une médecine qui prend soin et qui prend le temps. Le projet de l’équipe est de revoir les rapports entre patient.e.s et soignant.e.s, mais aussi entre les soignant.e.s. Ici, pas de directeur, les réunions hebdomadaires durent quatre heures et chaque décision fait l’objet de discussions entre les douze salariés.
Visite guidée
Carole est infirmière, Ségolène est médecin. Entre elles, l’écart de salaire a été réduit au minimum, l’équipe a souhaité une équité salariale. C’est l’un des principes défendu dans le projet qui aura mis sept années à prendre forme et à se concrétiser.
Le centre a été baptisé à l’issue d’une journée portes ouvertes avec les habitants du quartier. Le plus grand souhait de Carole est ainsi de redonner toute leur place aux usagers, y compris le pouvoir de décider, mais aussi de mettre en pratique un soin plus relationnel.
Dans la salle d’attente, un homme patiente avant de voir Ségolène. Il discute avec Christophe de l’accès aux soins dans son pays, le Nigéria, et de son périple depuis la Libye jusqu’à l’Italie. La « slow médecine », ce pourrait être le mantra du lieu.
L’enjeu est de taille, car l’envie de prendre son temps est parfois compliquée par les contraintes du système de santé actuel qui vise à rémunérer les médecins selon le nombre d’actes qu’ils effectuent dans la journée. Ségolène souligne pourtant l’état de santé des usagers parfois critique. La médecine devient d’utilité publique et la question d’une révision du mode de rémunération se pose.
* Note d’écoute » IGAS : Inspection Générale des Affaires Sociales
Le Château en santé n’est pas le seul exemple de ce genre en France. Il a même un « grand frère » à Toulouse. Bénédicte faisait partie de l’équipe de soignant.e.s toulousaines de la Case de Santé. Elle pense aujourd’hui à s’installer à Marseille et par petites touches créatives, elle partage son expérience.
Dans le bureau de l’assistante sociale, le soleil réchauffe les fenêtres et les plants d’Aloé Vera, d’avocat et de romarin. Nous laissons Carole et Bénédicte à leur discussion. Il y est question d’une affiche pour inviter les habitants à prendre part à l’organisation de l’inauguration du centre. Elle aura lieu le 27 avril, le Château en santé fera alors un pas de plus dans la réalité.