A Martigues, des industries responsables, mais pas coupables

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C’est l’histoire d’une très belle ville au bord de l’étang de Berre dans les Bouch­es-du-Rhône : Mar­tigues. Appelée la « Venise provençale », sa beauté est bien réelle mais der­rière l’écrin marté­gal, l’industrie de la chimie sème la mort.

En approchant de la ville via le chemin de fer, je sens que je ren­tre dans un envi­ron­nement dual. Der­rière les résineux, voici des chem­inées cracheuses de fumée qui se man­i­fes­tent. Cette image m’accompagne jusqu’à la gare de Mar­tigues. La gare m’angoisse car je ne ressens pas d’activité humaine, et pour cause autour de moi, dans l’air tout est chim­ique. Les con­vois de fret de pro­duits tox­iques vous accueil­lent.

Dès ses débuts, l’ADE­VIMAP, l’As­so­ci­a­tion de défense des vic­times des mal­adies pro­fes­sion­nelles de l’Ouest de l’é­tang de Berre a été créée pour pren­dre en charge toutes les mal­adies pro­fes­sion­nelles. Une spé­ci­ficité, car dans la région les asso­ci­a­tions de prise en charge des mal­adies pro­fes­sion­nelles s’occupaient essen­tielle­ment des mal­adies con­cer­nant l’amiante. Je suis allé à la ren­con­tre de la prési­dente de l’as­so­ci­a­tion et de l’un des admin­is­tra­teurs.

La ville de Mar­tigues et plus large­ment la zone de l’é­tang de Berre sont encer­clées par l’industrie pétrochim­ique. Les villes et les habi­tants ne peu­vent échap­per à la pol­lu­tion. Ici, les mal­adies pro­fes­sion­nelles riment avec can­cers.

La prob­lé­ma­tique des mal­adies pro­fes­sion­nelles dans la zone de Mar­tigues et de l’étang de Berre a con­duit les dif­férentes asso­ci­a­tions et syn­di­cats tra­vail­lant sur la ques­tion à se fédér­er autour de la ques­tion des mal­adies pro­fes­sion­nelles.

L’association ADEVIMAP gère en ce moment 1 910 dossiers de par­ti­c­uliers per­cutés par la mal­adie pro­fes­sion­nelle. Leur traite­ment n’est pas sim­ple car il faut établir la cause de la mal­adie pour la faire recon­naître comme mal­adie pro­fes­sion­nelle à la Sécu­rité sociale. Cer­tains meurent avant la prise en charge de leur dossier, lais­sant les familles dans le désar­roi.

Les décharges pré­posées au traite­ment de l’amiante et autres déchets tox­iques ne sont pas assez nom­breuses au vu de la pro­duc­tion de déchets des entre­pris­es et des par­ti­c­uliers. De plus, le traite­ment des déchets engen­dre des coûts très élevés, ce qui favorise in fine la mul­ti­pli­ca­tion des décharges sauvages con­tenant des matéri­aux ami­antés, et donc haute­ment can­cérigènes.

Depuis 2012, les munic­i­pal­ités sont dans l’obligation de faire des bilans ami­ante sur les bâti­ments con­stru­its avant 1997. Dans les faits, très peu de munic­i­pal­ités respectent cette loi. Elles met­tent donc en dan­ger la pop­u­la­tion toute entière, alors qu’une demie fibre d’amiante peut suf­fire à con­t­a­min­er une per­son­ne.

Le compte péni­bil­ité com­por­tait à l’o­rig­ine 10 critères. Le gou­verne­ment actuel a choisi d’en élim­in­er 4 : il s’ag­it de l’ex­po­si­tion aux pos­tures pénibles, aux vibra­tions mécaniques, aux risques chim­iques, ain­si que le port de charges lour­des. Seule excep­tion : ces critères seront recon­nus s’ils génèrent une mal­adie pro­fes­sion­nelle recon­nue et un taux d’in­ca­pac­ité per­ma­nente de plus de 10 %. Au cours de sa con­férence de presse du 31 août, Muriel Péni­caud avait con­sid­éré que ces qua­tre critères étaient “inap­plic­a­bles car ils oblig­ent les patrons à chronométr­er tous leurs salariés”.

Le prob­lème de la recon­nais­sance des mal­adies pro­fes­sion­nelles et de leur qual­i­fi­ca­tion réside dans le diag­nos­tic san­té des tra­vailleurs par les médecins du tra­vail. Or, les médecins du tra­vail sont employés par les indus­triels respon­s­ables de la con­t­a­m­i­na­tion des tra­vailleurs par l’amiante ou d’autres matières tox­iques.

Les indus­triels qui sont mis en cause dans les cas de mal­adies pro­fes­sion­nelles résul­tant de l’amiante ne sont pas recon­nus comme respon­s­ables aux yeux de la jus­tice. Pire, les organ­ismes qui peu­vent les incrim­in­er et apporter les preuves de leur respon­s­abil­ité font tout pour que ces indus­triels ne soient pas mis en cause.

Selon l’ADE­VIMAP, les organ­ismes de recou­vre­ment et de prise en charge des dossiers, comme la CPAM (Caisse pri­maire d’as­sur­ance mal­adie) et la CARSAT (Caisse d’assurance retraite et de san­té au tra­vail), en croisant leurs don­nées pour­raient trou­ver les respon­s­ables. Mais à l’heure du numérique, tout est fait pour ne pas met­tre en place cette base de don­nées indis­pens­able pour une traça­bil­ité des tra­vailleurs exposés à ces risques chim­iques.

Texte, photo de Une et vidéos : Justin de Gonzague

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