Tourisme solidaire, protection de l’environnement, création d’emploi ; au centre du Maroc, un réseau d’associations se mobilise pour promouvoir un développement économique durable. A Tétouan, une jeune femme multiplie les initiatives au profit de son quartier et des jeunes. Portraits croisés.
Dans la vallée d’Errachidia, tout commence autour d’une aventure touristique. Rachid Ameurraoui est gérant d’un hôtel, il souhaite uniformiser les normes et les règles d’accueil dans les différents établissements de la région. Une association est lancée en 2011. L’objectif est d’engager le secteur dans une évolution vers un tourisme solidaire dans toute la vallée du Ziz, au centre sud-est du Maroc. Tous les établissements partagent depuis les mêmes normes. Aujourd’hui, Rachid explique que la manière même de faire du tourisme a changé : « le nombre de nuitées augmente, les gens ne viennent plus seulement pour faire quelques photos et un trek en 4x4 dans le désert, ils viennent partager un moment avec les habitants ». Pour lui, c’est déjà une partie du défi relevé.
Le projet est ensuite rattrapé par des enjeux plus larges de développement économique responsable. Aidé par deux associations qui promeuvent un tourisme rural solidaire (Les Citoyens de la terre et la Sodev Maroc), un réseau de 13 associations est lancé. Parmi les membres, deux coopératives de femmes qui s’organisent pour la collecte de dattes, ou encore un organisme qui développe le pompage de l’eau dans cette région aride. Des activités toutes sources d’emploi. Plus de 800 personnes travaillent autour de l’activité de pompage. A l’origine d’une des coopératives agricole de dattes elles sont 3, aujourd’hui plus de 96 femmes sont employées. Et pour maintenir la continuité du savoir-faire, des formations viennent d’être lancées afin de faciliter l’apprentissage de ce métier artisanal aux gestes précis.
A 600 kilomètres de là, à Tétouan, c’est d’abord seule que Kawter Manar Aknin s’engage dans la protection de l’environnement. Pour l’étudiante en école de commerce de 24 ans : « la Terre est notre deuxième maison après notre corps. Nous devons la protéger ». Dès l’adolescence, elle agit dans son quartier, en organisant notamment le ramassage des poubelles. Puis elle lance une campagne de collecte des déchets sur la plage tous les mois le temps d’une journée. Sans formation particulière au bénévolat ou à la vie associative, elle réunit des jeunes de sa ville et les incite à sensibiliser leurs familles au tri des déchets. Elle cherche alors des structures pour acquérir de l’expérience. Elle découvre plusieurs associations, dont le Conseil des jeunes leaders. Kawter se forme ainsi à la participation citoyenne, met en pratique ses connaissances et nouent des amitiés.
Dans la vallée d’Errachidia la protection de l’environnement est également au cœur des actions et des préoccupations. Rachid Ameuraoui l’annonce : « notre défi c’est zéro plastique dans la vallée ». C’est pour cette raison notamment que le réseau est devenu partenaire de l’AJCM (Atelier des Jeunes Citoyens et Citoyennes de la Méditerranée) en 2019. Malgré les centaines de kilomètres qui séparent la province de la Méditerranée, des actions de sensibilisation au ramassage des déchets ont eu lien autour de la rivière avec des jeunes étudiants et des écoliers. « Avec le Covid 19 et le confinement, toutes les actions de cette année ont du être reportées, mais elles seront menées plus tard », rassure Rachid Ameuraoui. Un échange va être également mis en place avec des lycéens de Marseille et un vaste programme de nettoyage des palmiers à dattes va être lancé : « certains sont brûlés à cause des départs de feu liés aux déchets à leurs pieds. Nous allons nettoyer et replanter plus de 6 000 dattiers dans toute la vallée du Ziz ».
Rachid poursuit en décrivant les actions en cours ou projets à venir et envoie en parallèle des photos pour montrer l’ampleur de la mobilisation ; une manière d’exprimer toute sa fierté face à ce projet qui au fil des années s’étoffe et se nourrit. Une même fierté pointe dans la voix de Kawter Manar Aknin lorsqu’elle présente les projets qui l’occupent. « Chacune de mes expériences m’a marquée de manière particulière. A chaque fois, j’essaye de partager ce que j’ai acquis par ailleurs. » Chaque année depuis cinq ans, elle organise par exemple du soutien scolaire à destination des lycéens et collégiens de sa ville natale. Avec le confinement, beaucoup pensaient que cela prendrait fin. Mais ces élèves n’ont pas la possibilité de s’offrir des cours particuliers, alors Kawter décide de maintenir le soutien en ligne. « Les étudiants étaient vraiment heureux, et moi aussi. J’essaye de les impliquer dans les autres actions afin qu’eux-mêmes prennent la relève et croient au bénévolat, au travail social et à l’impact qu’ils peuvent avoir sur leur société. »