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En Ital­ie, depuis plusieurs semaines les “sar­dines” se réu­nis­sent sur les places de plusieurs grandes villes. Qui sont-elles et que revendiquent-elles ? Entre­tien avec Dijana Petro­vic du mou­ve­ment Kethan à Rome.

Pourquoi les Sar­dines : Le mou­ve­ment des sar­dines part du principe que la sar­dine lorsqu’elle est seule a très peu de chance de sur­vivre. Alors que lorsqu’elles se réu­nis­sent en banc, elles peu­vent con­stru­ire ensem­ble des straté­gies de survies, de défens­es, offen­sive beau­coup plus vivrière pour l’ensemble des sar­dines. Dans le milieu naturel les sar­dines sont donc amenées à se réu­nir pour se défendre des pré­da­teurs. Le pré­da­teur ici c’est Salvi­ni et son monde.

Dijana Pavlovic s’inscrit dans ce mou­ve­ment car il défend les mêmes valeurs antiracistes et antifas­cistes qui sont inscrites dans le mou­ve­ment Kethan auquel elle appar­tient. Kethan est un mou­ve­ment qui a débuté il y a un an pour que les Roms expri­ment et exer­cent leur droits par une meilleure con­nais­sance des insti­tu­tions ital­i­ennes. Cette pop­u­la­tion subit en effet la poli­tique racial­iste et fas­ciste de Salvi­ni au même titre que les migrants et autres étrangers. Kethan s’inscrivant de fait con­tre Salvi­ni il fut naturel pour le mou­ve­ment de Dijana Pavlovic d’intégrer le mou­ve­ment des sar­dines.

Avant propos tiré du Site Kethan

« Pen­dant des années, nos com­mu­nautés ont été exposées à des cam­pagnes de préjugés et de dis­crim­i­na­tion qui, ces derniers temps, ont trou­vé sou­tien et jus­ti­fi­ca­tion dans une poli­tique qui a pris le bull­doz­er comme sym­bole, l’ex­pul­sion comme pra­tique. Cette cam­pagne, pas suff­isam­ment com­bat­tue par les insti­tu­tions et soutenue par une par­tie des médias, provoque une pro­fonde haine envers nous »

Entre­tien avec Dijana Pavlovic

Quel est l’objectif de ce mou­ve­ment ?

Le mou­ve­ment des sar­dines est un mou­ve­ment pop­u­laire qui n’a pas l’ambition d’être un par­ti poli­tique mais un mou­ve­ment de pres­sion pour que les politi­ciens représen­tent la majorité de la pop­u­la­tion et sa volon­té de vivre ensem­ble. Les sar­dines expri­ment la volon­té de la majorité à aspir­er à des femmes et hommes poli­tique qui respectent les valeurs et la philoso­phie antiraciste de la majorité de la pop­u­la­tion ital­i­enne. C’est pour cela que nous nous sommes réu­nis pour com­bat­tre Salvi­ni et son monde.

Notre objec­tif n’est pas sim­ple­ment un objec­tif pour Rome ou pour Bologne mais pour tous les ital­iens. C’est un mou­ve­ment spon­tané qui n’a qu’un seul mois donc nous ver­rons jusqu’où nous irons. Nous ne cher­chons pas à savoir jusqu’où ce mou­ve­ment peut aller ou ce qui se passera ! Ce qui nous importe aujourd’hui c’est de mon­tr­er à la pop­u­la­tion majori­taire antifas­ciste que nous avons une force sociale assez forte pour impos­er une poli­tique et des poli­tiques respectueuses des bases antiraciste et fas­ciste que nous prônons.”

Quelles sont les valeurs que vous défend­ez ?

Nous n’avons aucune représen­ta­tion nation­al­iste, par exem­ple nous n’avons aucun sym­bole de dif­férents par­tis ou de dra­peau de tel ou tel par­ti poli­tique, même le dra­peau ital­ien n’est pas arboré dans les man­i­fes­ta­tions. Nous ne cher­chons pas la con­fronta­tion avec la police ni à réveiller des relents nation­al­istes qui vont servir à Salvi­ni et aux par­tis poli­tiques de droite extrémiste. Les politi­ciens n’aiment pas ce mou­ve­ment car ils n’ont aucune prise sur ce que nous représen­tons. Ils sont donc très agres­sifs dans les médias, surtout les par­tis de droite.

Lorsque les jeunes de Bologne le 14 novem­bre 2019 ont com­mencé à se réu­nir en sar­dines en oppo­si­tion au pop­ulisme et au sou­verain­isme de par­tis de l’ex­trême-droite ital­i­enne, il y eu une réson­nance dans les villes ital­i­ennes. Après un mois, des petites villes plus mar­quées à droite s’organisent aus­si locale­ment pour met­tre en place le mou­ve­ment des sar­dines dans leurs villes.

La soci­olo­gie de la pop­u­la­tion qui vient dans le mou­ve­ment des sar­dines n’est pas d’extrême droite mais va du cen­tre gauche à l’extrême gauche. Les sar­dines appar­ti­en­nent aus­si à la classe moyenne ; une pop­u­la­tion qui tra­vaille ou qui est en recherche d’emploi. Elles souf­frent des poli­tiques extrémistes de Salvi­ni ou d’autres qui ne les représen­tent nulle­ment. Elles ont fait pour la plu­part des études. Les jeunes étant le noy­au dure de ce mou­ve­ment, c’est une généra­tion qui vit dans son temps et qui a une con­nex­ion avec les ques­tions d’écologie et qui est con­tre l’idéologie et la poli­tique libérale.

En corol­laire, le mou­ve­ment est claire­ment antiraciste et antifas­ciste donc dans le mou­ve­ment vous pou­vez trou­ver des per­son­nes avec dif­férents con­cep­tions du traite­ment de la migra­tion mais basé sur l’anti racisme et l’anti fas­cisme donc la philoso­phie générale est claire­ment con­tre les objec­tifs mor­tifères fas­ciste et raciste de Salvi­ni donc con­tre sa xéno­pho­bie.”

Les femmes tien­nent une place par­ti­c­ulière dans ce mou­ve­ment ?

Il n’ y a pas de ques­tions pro­gram­ma­tiques qui enfer­ment les gens dans un déf­i­ni­tion poli­tique. Cette con­struc­tion poli­tique c’est ce que nous vivons, elle borne les dis­cours et donc désigne des vic­times à pro­téger. Nous sommes plus dans une rela­tion civique de la poli­tique afin d’exclure la manip­u­la­tion politi­ci­enne des dif­férents sujets qui con­cerne la majorité de la pop­u­la­tion. La ques­tion des femmes comme la ques­tion des migrants comme toute autre ques­tion qui con­cerne la pop­u­la­tion ne peut s’assujettir ou s’appuyer sur un dis­cours séparatiste, raciste ou xéno­phobe. Donc la ques­tion des femmes n’est pas plus par­i­taire que les autres, elle s’inscrit de fait dans la dynamique glob­ale du mou­ve­ment des sar­dines.

Ce mou­ve­ment est la struc­ture de quelque chose qu’on pour­rait appar­enter à un moyen de pres­sion pour ren­dre la poli­tique plus probe afin de débar­rass­er l’espace poli­tique ital­ien de per­son­nal­ité nocive comme Salvi­ni et sa philoso­phie. Aujourd’hui, la droite essaye de délégitimer le mou­ve­ment en y apposant son point de vue. Mais nous sommes dans une dynamique de pos­i­tivisme de cette majorité et notre philoso­phie n’a aucune réso­nance avec le jeu poli­tique actuelle et habituelle. Leurs pro­pos racistes et fas­cistes se fra­cassent sur notre philoso­phie qui se base sur des choses fon­da­men­tales pour la bonne tenue de la démoc­ra­tie dans l’espace social et poli­tique ital­ien. Ain­si, nous pou­vons con­forter et respecter notre con­sti­tu­tion.

Nous ne sommes pas des politi­ciens mais nous sommes la poli­tique car nous sommes la majorité.

Avec cette pres­sion, nous met­tons les poli­tiques dans une sit­u­a­tion où ils sont oblig­és d’œuvrer pour la majorité si ils veu­lent nos votes. Notre objec­tif n’est pas sim­ple­ment à des­ti­na­tion des Ital­iens, c’est une base fon­da­men­tale pour tous les peu­ples d’Europe voire du monde afin que l’essence lit­térale de la poli­tique « celui de civil­ité ou Poli­tikos qui désigne ce qui est relatif à l’or­gan­i­sa­tion ou auto ges­tion d’une cité », soit à nou­veau respec­té pour la majorité des pop­u­la­tions qui aspirent à vivre ensem­ble.”

Dijana ne sait pas où ce mou­ve­ment va la men­er. Elle con­state une dynamique forte qui se propage tel un virus dans toute l’Italie et même dans des endroits où le fas­cisme est présent, comme par exem­ple à Lati­na, une ville de 125 000 habi­tant à 72 km de Rome. Là bas aus­si les places sont prise par les sar­dines.

Place après place, les sar­dines gag­nent du ter­rain sur Salvi­ni et son monde. Rem­plir les places c’est rede­venir cen­tral et vis­i­ble dans l’espace poli­tique ital­ien. Les sar­dines prou­vent ain­si place après place que la poli­tique ne peut se faire con­tre eux ou sans eux.

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