Edito : A travers les crises, réinventer la vie de la cité

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Il a fal­lu un impact grave. Des mil­liers de per­son­nes dans les rues. Des per­son­nes jetées à la rue, sans toit. Des atten­tats. Des arresta­tions, des procès, de la vio­lence. Quand la poli­tique régionale ou mon­di­ale a eu un impact sur leur quo­ti­di­en, des citoyens de la Méditer­ranée ont ten­té de créer de nou­veaux out­ils poli­tiques, de s’impliquer autrement.

Après la crise finan­cière de 2008, les Indignés espag­nols qui cri­ti­quaient l’immobilisme des par­tis poli­tiques tra­di­tion­nels au pou­voir ont créé leur pro­pre par­ti et sont arrivés à pren­dre les mairies de Madrid et de Barcelone. Mais dix ans après la crise, ces “nou­veaux acteurs poli­tiques” ont, eux aus­si, du mal à faire chang­er les choses sur la ques­tion du loge­ment.

En Grèce, le par­ti Syriza, au pou­voir depuis sept ans, qui promet­tait de chang­er le rap­port de force avec l’Europe, déçoit les Grecs en accep­tant ses propo­si­tions. Mais le peu­ple grec con­tin­ue de se mobilis­er, et Yanis Varo­ufakis, min­istre des Finances démis­sion­naire en 2015, promet de pour­suiv­re la lutte en créant un nou­veau par­ti.

En 2011, les man­i­fes­ta­tions au Maghreb et au Moyen-Ori­ent met­tent en cause l’autoritarisme, le clien­télisme et la “hogra” (l’injustice). Huit ans après le départ du prési­dent tunisien Ben Ali, le pro­jet Al Bawsala tente de ren­dre plus trans­par­ent le proces­sus de déci­sion poli­tique en pub­liant sur les réseaux soci­aux, en temps réel, le con­tenu des débats et des réu­nions par­lemen­taires.

Pour calmer les protes­ta­tions, cer­taines économies du monde arabe se sont ouvertes, un peu plus, à une cer­taine forme de libéral­isme. En Algérie ou en Egypte, para­doxale­ment, cela a con­duit à ren­forcer la main­mise des per­son­nes proches des puis­sants sur l’économie. Le com­bat con­tre la cor­rup­tion reste donc très com­pliqué pour les mil­i­tants.

Com­ment par­venir à avoir un impact sur les déci­sions poli­tiques en cas de crise ? C’est la ques­tion à laque­lle tente de répon­dre depuis 2016, en France, l’Observatoire de l’état d’urgence. Après les atten­tats du Bat­a­clan, les autorités français­es pla­cent le pays sous le régime de l’état d’urgence, sous cou­vert de lut­ter con­tre le ter­ror­isme. Offi­cielle­ment levé depuis le 1er novem­bre 2017, des avo­cats et des asso­ci­a­tions essayent d’expliquer de manière péd­a­gogique quels peu­vent être les dan­gers de la nou­velle loi sur la sécu­rité intérieure. Car en France, comme en Egypte ou en Turquie, l’état d’urgence sert sou­vent de pré­texte pour faire accepter des mesures excep­tion­nelles à la pop­u­la­tion. Uni­ver­si­taires, hommes de loi ou jour­nal­istes, inter­pel­lent les citoyens et éveil­lent nos con­sciences aux impacts de ces mesures sur nos lib­ertés.

Autre con­séquence, la fer­me­ture des fron­tières, qui incite au non respect du droit des étrangers, même à des­ti­na­tion des plus vul­nérables tels que les mineurs isolés, incrim­inés au pre­mier abord par notre société démoc­ra­tique. Ils ont pour­tant le droit à une pro­tec­tion, mais même cette lég­is­la­tion s’ajuste au prisme sécu­ri­taire des poli­tiques met­tant à l’épreuve les défenseurs des droits : des avo­cats et des citoyens qui sur le ter­rain appor­tent leur aide aux migrants en dan­ger.

Ce qui est mis en cause, tout autour de la Méditer­ranée, c’est l’accaparement des déci­sions, quels que soient les pays, par une minorité. Ces déci­sions pris­es au nom des crises ont un impact sim­i­laire : leurs con­séquences néga­tives sont plus impor­tantes pour les plus pau­vres et les moins puis­sants. Loin des mou­ve­ments révo­lu­tion­naires, des citoyens mènent une lutte quo­ti­di­enne pour réin­ven­ter la vie de la cité. Un engage­ment fait de petites vic­toires et de grandes batailles qui est loin d’être gag­né mais qui a le mérite d’exister.

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