La Catalogne et le Kurdistan irakien cet automne, la Vénétie et la Lombardie au début du mois de novembre, et depuis des années déjà, le Sahara occidental et la Sicile, la Méditerranée bruisse des revendications de reconnaissance d’identité des peuples qu’elle abrite.
15–38 s’interroge sur l’émergence ou l’absence de ces revendications selon les contextes. Pourquoi le peuple catalan veut-il aujourd’hui s’émanciper, alors que les Basques et les Siciliens qui avaient longtemps réclamé leur indépendance ont fait taire leurs velléités ? Comment passe-t-on de l’indépendantisme à l’autonomisme et à la défense de son identité régionale ? “Pourquoi réclamer son indépendance si nous sommes déjà indépendants ?”, interroge le sociologue italien Giovanni Privitera à propos de la Sicile.
En Italie, la Vénétie et la Lombardie organisent également des référendums pour réclamer plus d’autonomie, notamment économique. Poussées à l’extrême, ces revendications questionnent sur une évolution de l’Europe vers un fédéralisme ou un régionalisme exacerbé qui s’oppose à l’Europe des États.
Peuple, autonomie, indépendance, autodétermination, autant de concepts qui font la une de nos journaux. Mais que représentent-ils réellement ? Regarde-t-on les revendications kurdes en Turquie ou en Irak comme les mobilisations catalanes en Espagne ? Pourquoi parle-t-on davantage de la lutte pour un État palestinien que de celle pour le Sahara occidental indépendant ? Le droit à l’autodétermination semble être à géométrie variable. Face à ces prétentions, les États peuvent faire usage de la violence pour maintenir un équilibre souvent fragile. Une violence physique quand les militants kurdes sont emprisonnés ou que la garde civile espagnole confisque les urnes électorales catalanes. Une violence plus symbolique relevant d’une lutte des mémoires ou d’une lutte linguistique, lorsque les identités régionales sont gommées comme le dialecte sicilien à l’époque du fascisme italien.
Les “révolutions arabes” ont fait espérer la victoire du peuple sur l’État central oppresseur, que reste-t-il en 2017 de cette volonté initiale ? En Libye, le vide politique d’après Kadhafi a laissé place à l’expression des identités régionales, autant de divisions qui ne permettent pas aujourd’hui aux différentes parties de s’entendre pour former un État d’union nationale.
Défendre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes est encore au XXIème siècle un combat risqué. Les activistes qui se battent pour l’indépendance du Sahara Occidental en témoignent. Mais “l’identité” devient parfois un enjeu politique pour “tenir” le peuple et appuyer sa légitimité. Ainsi, un jeune du Sahara occidental, né dans les camps, élevé dans les camps, ne pourra pas exprimer publiquement une parole autre que celle du Front Polisario. Il n’aura pas le droit de s’en écarter, car on lui reprochera de “trahir la cause”. Dans ce contexte, comment l’individu existe-t-il dans la cause indépendantiste ? De quelle manière, à l’échelle individuelle, peut-on articuler des identités diverses ? 15–38 a justement questionné des Marseillais d’origine corse, sicilienne, algérienne ou kurde pour comprendre la complexité de ces appartenances multiples.
Dessin de Une réalisé par Yakana
Dessinateur de presse, il publie dans le Ravi, Silence, les journaux du groupe Playbac presse, MarsActu, et l’Agenda interculturel (Bruxelles). Il dessine régulièrement dans l’émission “28 minutes” sur Arte, et pour plusieurs associations écologistes ainsi que pour des syndicats tels que la Confédération Paysanne ou la FGTB. Retrouvez ses dessins sur son blog.