Lettre à l’extrême droite

Récem­ment, j’ai lu dans la presse que vous soute­niez Bachar El Assad, l’homme qui m’a chas­sé de mon pays, tué mes amis et mes proches, m’a pour­chas­sé et...

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Récem­ment, j’ai lu dans la presse que vous soute­niez Bachar El Assad, l’homme qui m’a chas­sé de mon pays, tué mes amis et mes proches, m’a pour­chas­sé et con­traint de fuir la Syrie. Savez-vous pourquoi ? Sim­ple­ment pour avoir exer­cé mon méti­er de jour­nal­iste au cours de la révo­lu­tion syri­enne.

Vous êtes plus savants que moi en poli­tique, c’est pourquoi j’aimerais vous pos­er une ques­tion. Il y a des dizaines de jour­nal­istes qui comme moi ont com­bat­tu les islamistes ” El Qai­da, Daech, Jounoud El Cham, Ahrar El Cham ” et d’autres fac­tions que vous ne con­nais­sez sans doute pas. Ils se sont égale­ment opposés à Bachar El Assad. Voici ma ques­tion: pourquoi le soutenez- vous ?

La France m’a per­mis d’échap­per à la guerre, elle fait désor­mais par­tie de moi. Après les mas­sacres de Char­lie Heb­do et du 13 Novem­bre, j’étais avec ceux qui ont pleuré les vic­times et déposé des fleurs place de La République. J’ai étudié la langue de ce pays et y ai édité deux livres en français. Je tra­vaille comme des mil­liers de réfugiés, nous ne cau­sons de tort à per­son­ne, tout ce que nous souhaitons c’est de vivre digne­ment. J’aime ce pays et suis prêt à don­ner ma vie pour lui.

Votre leader, Mme le Pen a égale­ment dit que les Syriens man­quaient de courage pour avoir quit­té leur pays en rai­son des événe­ments, alors que les Français ne l’avaient pas fait pen­dant la deux­ième guerre mon­di­ale. Cette com­para­i­son est inap­pro­priée : la guerre civile se déroulant dans mon pays n’a que peu de rap­ports avec la tragédie vécue par la France entre 1939 et 1945. Il est par con­tre pos­si­ble de la rap­procher de ce qui s’est passé en Espagne à la fin des années trente du siè­cle dernier. Pensez vous que les cen­taines de mil­liers d’Espagnols qui ont fui leur pays à ce moment là pour se réfugi­er en France étaient des lâch­es ?

Madame Le Pen : en Syrie, bien avant la prise de pou­voir par le par­ti Baath, nous avons accueil­li il y a de cela un siè­cle, des cen­taines de mil­liers d’Ar­méniens fuyant les mas­sacres organ­isés par l’Em­pire Ottoman. Avec le temps, ils sont devenus aus­si syriens que les autres habi­tants et notre pays est devenu pluriel sur le plan lin­guis­tique. Ces hommes et ces femmes ont tra­vail­lé, fait pro­gress­er l’économie et con­stru­it des ponts entre leur cul­ture d’origne et celle de leur pays d’ac­cueil, ponts que les réfugiés d’aujourd’hui ten­tent d’édifier.

Je vous écris depuis un café parisien avec, autour de moi, des gens de divers­es nation­al­ités. Je remar­que que cer­tains me regar­dent avec ani­mosité, ce qui n’était pas le cas quand je suis arrivé il y a quelques années. Je ne quit­terai jamais la France quoi qu’il arrive. Savez-vous pourquoi ? Parce qu’un philosophe Irlandais Edmaund Burk, je suis sûr que vous le con­nais­sez, a dit “La seule chose qui per­met au mal de tri­om­pher est l’inaction des hommes de bien “.

Photo ©IsabelleLagny

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