Du 8 au 15 mars 2019, 45 jeunes de huit nationalités différentes se sont retrouvés à Tunis. L’Atelier des Jeunes Citoyens et Citoyennes de la Méditerranée (AJCM) était sur place. L’occasion d’échanger et de partager les expériences autour du thème de la protection des vallées côtières en Méditerranée.
Visite d’oueds (lits de rivière), manifestation contre l’arrachage d’arbres à Radès (sud de Tunis), rencontres, échanges d’expérience… Durant une semaine, début mars, 45 jeunes ont participé à Tunis, à un séminaire sur la protection des vallées côtières en Méditerranée. L’événement a reçu le soutien de l’Office franco-allemand pour la Jeunesse, du programme Erasmus + et du ministère de la Jeunesse et des Sports tunisien.
« L’objectif, c’est de faire comprendre qu’il y a interdépendance : la pollution traverse les frontières sans visa. Il faut donc réfléchir ensemble sur les méthodes d’actions communes », explique Rafik Mousli, directeur de l’association « Une terre culturelle », basée à Marseille. La structure a organisé l’événement avec deux associations tunisoises, les maisons des jeunes du Kram et Ibn Khaldoun. Responsable de cette dernière, Khemais Ben Abda met l’accent sur le partage entre les huit nationalités représentées : « C’est une belle expérience, c’est l’occasion de présenter des idées, des projets à des gens qui s’intéressent à la protection des vallées côtières. C’est aussi l’occasion de nouer de nouveaux partenariats avec d’autres pays. Chacun présente ses efforts dans le domaine de la protection environnementale. »
Un premier séminaire de ce type avait été organisé en 2016 à Marseille. Différentes actions en avaient découlé, comme l’initiative « 0 déchets » entre trois lycées (Tanger au Maroc, Berlin en Allemagne et Aubagne en France). Ces établissements avaient mis en place un programme commun autour de cette problématique et organisé des rencontres entre les jeunes dans les trois pays. « Il est important que les jeunes échangent pour faire tomber les préjugés. A travers une thématique, il est possible de travailler sur différents aspects : linguistiques, culturels… Notre action vient compléter la diplomatie habituelle : « Nos sociétés ne doivent pas laisser le monopole au politique », estime Rafik Mousli. Wejdane Bouzidi, participant à ce second séminaire, en a compris tout l’intérêt : « J’ai l’habitude de participer à des présentations où on ne fait qu’écouter. Là, on participe. On parle anglais, français… J’ai même appris quelques mots turcs ! »
Les participants de ce second séminaire ont été sélectionnés pour leur intérêt et leurs actions en matière de développement durable. Le groupe de Tunisiens, par exemple, a travaillé sur la question du recyclage de l’huile alimentaire usagée qui peut être transformée en biodiesel ou en glycérine, plutôt que d’être jetée. Certains sont également engagés dans la « Coalition de protection des forêts » qui lutte actuellement contre la destruction de la forêt de Radès (au sud de Tunis) pour y construire une route menant à un centre commercial.
« C’est important d’agir. Quand on parle d’environnement, on parle de futur. Il n’y a pas d’humanité sans nature », affirme Maroua Languer, participante tunisienne au séminaire. Même si elle reconnaît que beaucoup reste à faire dans son pays : « Il est nécessaire de faire évoluer les esprits. Ici, beaucoup considèrent que défendre l’environnement, c’est ne pas jeter ses déchets dans la rue. ». La jeune trentenaire, membre de plusieurs associations, a mis à profit le séminaire pour échanger avec les représentants d’une association allemande : « On essaye d’être solidaires entre associations. Nous avons évoqué avec les Allemands de nouvelles façons de lutter pour défendre les forêts tunisiennes et les espaces protégés de façon générale. »
Trouver des partenariats, c’est l’objectif de Clémence Guibert. La Française est actuellement en service civique à l’association les Têtes de l’art où elle coordonne des ateliers visant à intéresser les 15–30 ans aux questions environnementales dans le bassin méditerranéen : « C’est intéressant de voir que d’autres pays se mobilisent, de découvrir leurs projets. Cela permet de créer un espace de dialogue. » Grâce à ce séminaire, l’étudiante en droit numérique de 23 ans s’est trouvée confortée dans l’idée que l’engagement associatif est important : « Cela donne beaucoup de motivation. Quand on fait partie d’un groupe ou d’une association, on se sent entourée, encouragée. Par exemple, j’étais souvent la seule à chercher une poubelle pour y jeter mes mégots avant d’arriver aux Têtes de l’art et de rencontrer d’autres personnes qui ont le même réflexe. »
Le séminaire a également été l’occasion, pour beaucoup, de découvrir la Tunisie. C’est le cas de Karim Khima, qui accompagnait le groupe algérien. Malgré sa proximité géographique avec la jeune démocratie, le bénévole n’avait jamais visité la Tunisie. Et à l’heure où les manifestations rythment son pays, l’homme s’interroge : « Ce qui m’a marqué en Tunisie, c’est la débandade de l’ « après-révolution ». Pour moi, le terme « après-révolution » doit être positif, c’est un peuple qui se prend en charge. L’environnement, la nature doivent être au cœur des questions. Nous avons vu au parc national d’Ichekeul (près de Bizerte, au nord de Tunis, ndlr) que des agriculteurs font leur pâturage alors que c’est une zone humide protégée. »
Clémence Guibert se dit surprise : « Il existe un réel contraste entre les déchets qu’on voit dans les rues, la pollution et l’engagement des associations. Il y a un énorme travail à faire, mais ce travail est fait petit à petit. On a rencontré des associations qui manquent de moyens financiers et humains pour obtenir des effets concrets. » Une réalité qui n’a fait que renforcer l’engagement militant de ces jeunes.