En 2017, on meurt encore en Méditerranée. Le constat est amer pour débuter une nouvelle année, mais il est réel, brut, violent : 5 079 personnes sont décédées en tentant de rejoindre les rives de l’Europe l’année dernière. Un petit bout de mer à l’échelle d’une planète, mais l’espace maritime où l’on meurt le plus ces dernières années. Ce constat nous a convaincu de lancer 15–38 en évoquant ceux que l’on appelle les “migrants”.
Mais au fait, qu’est-ce qu’un migrant : toi, moi, vous, nous ? L’anthropologue italienne Giulia Fabiano et le sociologue français Smaïn Laacher tentent de déconstruire ce mot. 15–38 c’est aussi la volonté de décentrer nos regards et de vous proposer d’aller voir ailleurs. Comment accueille-t-on ces migrants au Liban, en Algérie, en Grèce et en France ? Quelles sont les problématiques et les solutions adoptées ?
Mais pour commencer, pourquoi partir ? Comme Thierry, Malik, Josiane, certains ont quitté un pays en guerre, dont la Syrie, d’autres ont fui l’absence d’horizon, croyant à un eldorado européen. La plupart sont des hommes mais pas seulement. Il y a des femmes et des mineurs aussi, que nous avons rencontrés à Marseille. Tous ont pris la route avec, dans un coin de leur tête, le risque et la peur de mourir qui les guettent à chaque pas. La mort, comme compagnon de route sur les chemins de l’exil, nous l’évoquerons avec l’anthropologue Carolina Kobelinsky et avec Sheima qui a traversé la Méditerranée depuis la Libye accompagnée de toute sa famille et est aujourd’hui réfugiée en Norvège.
L’exil a un commencement : le pays que l’on laisse derrière soi, la famille, la maison, les amis, les repères. Il n’a pas forcément une fin, mais des escales inopinées deviennent parfois des lignes d’arrivées. Nous avons donc rejoint Athènes, aux côtés de Manu qui raconte l’accueil solidaire dans un squat au coeur d’un pays où la crise a déjà tellement fragilisé les Grecs. Nous avons interrogé Raja, Ahmed et leurs amis étudiants en Algérie qui construisent un collectif de soutien aux migrants, sur un territoire où la présence et l’accueil des subsahariens commencent à peine à poser question.
C’est également en France dans de petits villages que certains ont été accueillis. A Saint-Bauzille-de-Putois, par exemple, les habitants sont parfois inquiets et se demandent ce qu’ils vont bien pouvoir faire de cet “autre” qui entre dans le quotidien. Car aller à la rencontre des migrants c’est aussi donner la parole à ceux qui les aident ou les voient passer, ceux qu’ils émeuvent et ceux qu’ils effraient.
Mais avant d’arriver, il y a les frontières, les barrières, la peur au ventre. Nous nous sommes arrêtés à Vintimille, entre la France et l’Italie, là où des citoyens sont considérés comme hors-la-loi pour avoir voulu porter secours à ceux qui arrivent. Où est la frontière entre non-assistance à personne en danger et délit de solidarité ? Dans la vallée de la Roya, les citoyens poursuivis par la justice questionnent notre hospitalité.
Pour conclure, laissons la plume à ceux qui la manient avec talent et poésie comme Omar Souleimane, journaliste et poète syrien installé en France. Dans son dernier recueil, il évoque, l’exil, la mémoire du pays et la construction d’une vie nouvelle entre ces deux réalités.
Ce dossier nous rappelle que “la crise migratoire” nécessite une réflexion méditerranéenne de tous les acteurs et que les replis nationaux n’empêcheront pas les mobilités humaines sur ce bassin lieu de brassages culturels historiques.