Covid-19 : En Italie, la crise sociale dans le sud

La crise san­i­taire liée à l’épidémie de Covid-19 a plutôt épargné le sud du pays. Mais les effets du con­fine­ment ont frap­pé de plein fou­et une économie déjà...

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La crise san­i­taire liée à l’épidémie de Covid-19 a plutôt épargné le sud du pays. Mais les effets du con­fine­ment ont frap­pé de plein fou­et une économie déjà frag­ile. En Sicile, asso­ci­a­tions et autorités locales sont en pre­mière ligne pour faire face à l’urgence sociale.

En plein coeur de l’été, les jour­naux con­tin­u­ent de ryth­mer le quo­ti­di­en des Ital­iens avec les nou­veaux cas de con­t­a­m­i­na­tion de Covid-19. Les chiffres sont plutôt bons. Mais s’ils venaient à empir­er, les avis sont unanimes : « Un deux­ième con­fine­ment ? Per­son­ne ne pour­rait se le per­me­t­tre ! ». Du nord au sud du pays, autorités locales et asso­ci­a­tions ten­tent tant bien que mal de panser les plaies du pre­mier con­fine­ment, décrété le 8 mars dernier en Ital­ie et pro­gres­sive­ment levé à par­tir du 4 mai. Selon une étude réal­isée par le syn­di­cat agri­cole Coldiret­ti et basée sur les dis­tri­b­u­tions ali­men­taires effec­tuées pen­dant le con­fine­ment, les « nou­veaux pau­vres » sont près d’un mil­lion. Ils grossis­sent les rangs des 4,6 mil­lions d’Italiens en sit­u­a­tion de pau­vreté absolue. La sit­u­a­tion est par­ti­c­ulière­ment cri­tique dans le sud du pays, le fameux « Mez­zo­giorno », qui con­cen­tre dif­fi­cultés économiques et sociales. Près de 20% de ces nou­veaux pau­vres se trou­vent en Cam­panie, 14% en Cal­abre et 11% en Sicile.
Dans cer­tains quartiers de Palerme, la cap­i­tale sicili­enne, « la sit­u­a­tion est dev­enue cri­tique dès la deux­ième semaine », se sou­vient Giu­lia Di Mar­ti­no, mem­bre de l’association Arci Por­co Rosso et SOS Bal­larò, du nom de l’un des quartiers les plus pop­u­laires du cen­tre-ville. « On a dis­tribué des pâtes, de l’huile, de la sauce tomate, des couch­es pour les enfants », explique la jeune femme qui tra­vaille depuis plusieurs mois à la régu­lar­i­sa­tion du marché de l’Albergheria, sorte d’immense marché aux puces, dont les vendeurs tirent en moyenne vingt euros par jour. Avec le con­fine­ment, tous se sont retrou­vés sans revenu du jour au lende­main. Surtout, faute de pou­voir jus­ti­fi­er d’une activ­ité en règle auprès des autorités, ces tra­vailleurs au noir n’ont pas pu béné­fici­er des revenus d’urgence, déblo­qués par le gou­verne­ment ital­ien. « Ceux qui tenaient des com­merces d’alimentation ont mangé leur marchan­dise mais évidem­ment au moment de rou­vrir, il n’y a pas d’argent pour faire de nou­velles com­man­des », explique Alessan­dra Can­iz­zaro, tra­vailleuse sociale au sein de l’association Iken­ga qui a organ­isé un sys­tème de bons de dix euros pour per­me­t­tre aux familles en dif­fi­culté de pay­er leurs cours­es. « Cer­tains par­ents ont pu recharg­er leur télé­phone pour que les enfants aient accès à Inter­net et aux cours en ligne, une famille dont le restau­rant a dû fer­mer et qui n’avait jamais eu de prob­lème d’argent a pu acheter une bon­bonne de gaz », pour­suit la jeune femme. A Naples, puis dans d’autres villes ital­i­ennes, cer­tains habi­tants ont sus­pendu à leur bal­con des paniers, rem­plis de vivres, avec un mot : « Si tu as besoin, sers-toi ».

A Palerme, 8500 familles dans le besoin

Cinq mois plus tard, nom­breuses sont les familles qui ont encore besoin d’un sou­tien économique. « Selon les secteurs, toutes les activ­ités économiques ne sont pas repar­ties au même rythme et ceux qui ont repris tra­vail­lent sou­vent avec des salaires bien plus bas », explique Giuseppe Mat­ti­na, l’adjoint à la citoyen­neté sol­idaire de la ville de Palerme, « pour cer­tains c’est encore dif­fi­cile, nous con­tin­uerons à les soutenir au moins jusque la fin de l’année ». Début juil­let, la mairie a donc lancé un nou­veau pro­gramme d’aide finan­cière pour pay­er les cours­es mais aus­si le loy­er ou les fac­tures de gaz, d’eau et d’électricité. Les ser­vices soci­aux esti­ment à 8500 le nom­bre de familles qui pour­raient encore avoir besoin d’aide sur les 675 000 habi­tants. Au plus fort du con­fine­ment, ce sont près de 33 000 deman­des d’aides qui leur sont par­v­enues. Le chiffre pour­rait être en dessous de la réal­ité. « Lorsqu’on a aidé les familles à s’inscrire auprès de la Pro­tec­tion civile, on s’est ren­du compte que beau­coup de familles paler­mi­taines n’ont pas de papiers en règle, ils n’ont pas de carte d’identité, pas de code fis­cal, ils sont encore plus invis­i­bles que les autres », racon­te Vit­to­ria Aricò, tra­vailleuse sociale au sein de l’association NaKa, au coeur du quarti­er du Capo.
Tous le savent, au delà de l’enjeu social, l’urgence est aus­si d’empêcher que la crim­i­nal­ité organ­ise ne prof­ite de cette crise. En Ital­ie, c’est très sou­vent le cas après des cat­a­stro­phes naturelles ou des moments de crise finan­cière. « C’est à l’Etat de ne laiss­er per­son­ne seul », estime Giuseppe Mat­ti­na. « Chez quelques-unes des familles les plus défa­vorisées, on a vu que que cer­tains ten­tent de se sub­stituer à l’aide de l’Etat », détaille l’adjoint à la citoyen­neté sol­idaire qui pré­cise que le phénomène n’est pas dif­fus et ne con­cerne que quelques familles. Clau­dio Fava, le prési­dent de la com­mis­sion d’enquête et de vig­i­lance sur le phénomène mafieux et la cor­rup­tion au sein de l’Assemblée régionale sicili­enne met en garde : « Dans un moment de forte crise de liq­uid­ités mais aus­si d’urgence sociale, Cosa Nos­tra et les mafias ont des liq­uid­ités disponibles et en prof­i­tent. Ce n’est pas par esprit car­i­tatif mais pour créer des rap­ports de dépen­dance, inten­si­fi­er leur con­trôle. Ils pré­ten­dent aider pour ensuite deman­der un droit de péage et s’accaparer ce pour quoi ils ont fourni leur aide ».

Cécile Debarge

Pho­to : Dans le quarti­er de Bal­laro, l’un des plus pop­u­laires de Palerme, cer­taines familles man­quaient de vivres dès la deux­ième semaine de con­fine­ment. Nom­breuses sont celles qui se trou­vent encore en dif­fi­culté aujourd’hui. Cécile Debarge

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