Covid-19 : À La Badira, la réouverture «c’est de l’acrobatie»

La Tunisie a rou­vert ses fron­tières le 27 juin. Pour­tant, les touristes étrangers sont encore peu nom­breux. A Ham­mamet, l’hôtel La Badi­ra a amé­nagé les con­di­tions de tra­vail...

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La Tunisie a rou­vert ses fron­tières le 27 juin. Pour­tant, les touristes étrangers sont encore peu nom­breux. A Ham­mamet, l’hôtel La Badi­ra a amé­nagé les con­di­tions de tra­vail et espère un équili­bre financier à la fin de l’année.

« Regardez les gens dans la piscine, sur les transats. C’est la vie ! » Khaled Bogos­sa, chef de bar à La Badi­ra savoure ce sem­blant de retour à la nor­male en cette fin juil­let. Sa patronne, Mouna Ben Hal­i­ma, essuyait pour­tant ses larmes quelques min­utes plus tôt, en évo­quant les con­gés sans sol­des imposés à ses employés. Un mois et demi après notre dernière vis­ite, l’hô­tel 5 étoiles habituelle­ment réservé aux adultes paraît effec­tive­ment repren­dre vie. Les piscines sont rem­plies d’eau, les vacanciers bronzent sur les transats ou se rafraîchissent au café. Mouna Ben Hal­i­ma enreg­istre une amélio­ra­tion en cette dernière semaine de juil­let : « Nous sommes à 35–40% de taux de rem­plis­sage (l’hô­tel ne peut accueil­lir que 50% de ses capac­ités selon le pro­to­cole san­i­taire mis en place par l’E­tat tunisien pour lim­iter la prop­a­ga­tion du coro­n­avirus, ndlr). Mais nous n’avons aucune vis­i­bil­ité pour la suite, les réser­va­tions se font à la dernière minute. » Jusqu’à mi-juil­let, l’hôtelière a imposé à ses employés une journée de con­gé sans sol­de par semaine. « C’é­tait dur. Cer­tains ont dû annuler des travaux prévus dans leur mai­son ou reporter un mariage. Je me suis sen­tie impuis­sante. Mais je ne pou­vais céder à cela car il faut d’abord faire pass­er la survie de l’en­tre­prise », se sou­vient-elle en lais­sant échap­per quelques larmes. Ses employés sem­blent l’avoir com­pris. « C’est une ques­tion de sol­i­dar­ité : si cha­cun de nous chôme une journée, cela per­met à tous les employés de préserv­er leur tra­vail », estime Ahmed, directeur de salle, qui se réjouit d’ob­serv­er un cer­tain « frémisse­ment » du côté des arrivées.



Clien­tèle de la cap­i­tale

Alors que la Tunisie enreg­is­trait une baisse des arrivées des étrangers, entre le 1er et le 10 juil­let, de 86,2% par rap­port à la même péri­ode en 2019, La Badi­ra s’en sort mieux que bon nom­bre d’autres étab­lisse­ments. « Nous avons tou­jours eu l’habi­tude de tra­vailler avec une clien­tèle locale. Un autre atout est la prox­im­ité géo­graphique d’Ham­mamet avec Tunis (moins d’une heure, ndlr) où se trou­ve le pou­voir d’achat, con­traire­ment à Djer­ba (sud tunisien). Les week-ends, nous avons une clien­tèle assez impor­tante qui arrive de la cap­i­tale », explique Mouna Ben Hal­i­ma qui, dans ses prévi­sions les plus opti­mistes, espère être à l’équili­bre en fin d’an­née grâce à une reprise en sep­tem­bre. 



En atten­dant, la pro­prié­taire de La Badi­ra doit faire des grands écarts entre des week-ends chargés et des semaines à vide : « C’est de l’ac­ro­batie, car nous voulons préserv­er nos exi­gences haut-de-gamme. Nous avons changé les horaires des employés pour qu’ils fassent des journées de 12h le week-end au lieu de 8. En échange, ils ont plus de repos payé en semaine. Et j’ai replacé des gens. Par exem­ple, une per­son­ne du spa est main­tenant maître-nageur, quelqu’un qui était au ser­vice à l’é­tage s’oc­cupe des bagages, détaille-t-elle en ajoutant tris­te­ment, ils ont tous accep­té, parce qu’ils sont ter­ri­fiés à l’idée de per­dre leur tra­vail. »


Acte de sol­i­dar­ité

Au bord de la piscine, les clients ne remar­quent pas ces craintes. Mari­na Loboko et Mar­wa Aouni sont arrivées de France le 7 juil­let pour pass­er plus d’un mois dans dif­férentes villes tunisi­ennes. « La Tunisie a peu été touchée par la covid-19 (1452 cas, 50 décès au 27 juil­let, ndlr). En fait, l’an­goisse, c’est de ren­tr­er en France », rigole Mar­wa. Mari­na, allongée sur son transat, remar­que : « Ici, le per­son­nel fait très atten­tion à l’hy­giène. Je vois tout le temps quelqu’un qui net­toie les poignées de porte. Je me sens vrai­ment en sécu­rité. Ma plus grande crainte était le masque. Mais on ne le porte que dans les espaces fer­més, comme au restau­rant. Je n’ai aucun regret, nous sommes vrai­ment bien à La Badi­ra. »

Un peu plus loin, Abdal­lah et Tas­time savourent leurs bois­sons fraîch­es à deux pas de la piscine à débor­de­ment avec vue sur mer. Ce cou­ple de Tunisiens vivant en France a le sen­ti­ment d’ac­com­plir un acte de sol­i­dar­ité par­ti­c­ulière­ment agréable. « Le mon­tant qu’on dépense en trois jours à La Badi­ra, c’est l’équiv­a­lent de deux semaines en Espagne, rap­pelle Abdal­lah. La semaine prochaine, avec nos filles qui sont pour le moment chez leurs grands-par­ents, nous irons dans un autre hôtel, alors que d’habi­tude nous louons une vil­la. Nous voulons vrai­ment soutenir le secteur du tourisme et ses employés. »


À Ham­mamet, Mary­line Dumas.

Pho­to : Khaled Bogos­sa (à gauche) et Ahmed heureux de voir leur hôtel repren­dre vie avec l’ar­rivée des touristes. Mary­line Dumas

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