772 0

La Cité de l’Agriculture est une asso­ci­a­tion née à Mar­seille en 2015. Elle promeut l’agriculture urbaine et défend les liens de prox­im­ité entre citoyens et pro­duc­teurs. Maëlle Thueux, salariée au sein de la Cité de l’Agriculture, met en place un verg­er maraîch­er dans le quarti­er des Aygalades, dans le 15ème arrondisse­ment de Mar­seille : la micro-ferme Capri­corne, dont l’ouverture est prévue courant de l’année 2020. A terme, elle souhaite garder une trace écrite de cette expéri­ence, pour apporter des out­ils et faciliter l’essaimage de ce type de ferme urbaine. Dans cet entre­tien, elle évoque ce pro­jet et partage sa vision de l’agriculture urbaine.

Quel est ton par­cours ?
J’ai com­mencé par un DUT infor­ma­tique, mais j’ai réal­isé que ça ne me plai­sait pas vrai­ment et qu’il n’y avait pas for­cé­ment un pro­jet de société der­rière. Je voulais être beau­coup plus en lien avec le vivant. Je suis par­tie en Bel­gique pour faire une école de paysage. J’ai mon­té un petit pro­jet de potager col­lec­tif, puis j’ai tra­vail­lé pour la région de Brux­elles en amé­nage­ment du ter­ri­toire. Par ailleurs, j’avais fait une for­ma­tion de maître-com­pos­teur puisque je suis très intéressée par la ques­tion du vivant, des sols et des plantes. J’ai ren­con­tré la Cité de l’Agriculture à Mar­seille. En juin 2019, avec la Cité de l’Agriculture, j’ai com­mencé à tra­vailler sur le pro­jet d’un verg­er maraîch­er à Mar­seille, la micro-ferme Capri­corne.

« Il y a un engoue­ment pour l’agriculture urbaine, une volon­té d’avoir une ville plus verte, qui respire. Ces espaces de nature per­me­t­tent d’apaiser les con­traintes de la ville, le bruit, la cir­cu­la­tion, la den­sité. Créons des lieux qui per­me­t­tent de respir­er, en dehors du bâtit et des usages prédes­tinés. »

Quelle est ta vision de l’agriculture urbaine ?
Pour moi, l’agriculture urbaine, c’est cul­tiv­er des dents creuses, des frich­es qui n’étaient pas des­tinées à l’agriculture. Par­tir du ter­rain, voir ce qu’il est pos­si­ble de faire. C’est aus­si per­me­t­tre un micro-retour à la terre, observ­er la nature en ville et voir com­ment ça peut s’intégrer dans un pro­jet de quarti­er. On crée des oasis urbaines, qui appor­tent quelque chose d’autre en ville. C’est aus­si le rap­port à l’alimentation, aux saisons, le retour aux cycles du vivant, aux herbes médic­i­nales. Ce lien avec l’alimentation est un plus, en com­para­i­son avec les pro­jets de parcs et jardins. Même si on est sur des petites sur­faces, ça per­met de sen­si­bilis­er.

C’est sur ce ter­rain que la micro-ferme Capri­corne pren­dra forme. ©Maëlle Thueux

Tu tra­vailles sur la mise en place d’une micro-ferme à Mar­seille, peux-tu en dire plus ?
Le pro­jet de la micro-ferme Capri­corne est situé dans le 15ème arrondisse­ment, aux Aygalades, près de la copro­priété des Cas­tors. Ce ter­rain est proche de la Cité des Arts de la rue, où la Cité de l’Agriculture a mon­té un marché qui a lieu tous les pre­miers dimanche du mois. C’est un ter­rain de 8500 m² qui appar­tient à la Ville de Mar­seille, nous avons un bail pour 10 ans recon­ductible. Ce sera un verg­er maraîch­er, avec une diver­sité de légumes, de plantes méditer­ranéennes et d’arbres fruitiers (grenadiers, pêch­ers, abri­cotiers, pom­miers). L’objectif, c’est de pro­duire des légumes pour pro­pos­er des paniers bio et pour ali­menter le restau­rant de la Cité de l’Agriculture.

« La micro-ferme Capri­corne sera un verg­er maraîch­er, avec une diver­sité de légumes, de plantes méditer­ranéennes et d’arbres fruitiers. L’objectif, c’est de pro­duire des légumes pour ven­dre des paniers bio et pour ali­menter le restau­rant de la Cité de l’Agriculture. Nous souhaitons que cette ferme soit aus­si un pro­jet de quarti­er, en ren­con­trant les habi­tants et l’école qui est juste à côté. »

Com­ment la ferme va-t-elle « s’intégrer » dans le quarti­er ?
Nous souhaitons que cette ferme soit aus­si un pro­jet de quarti­er, en ren­con­trant les habi­tants et l’école qui est juste à côté. Nous tra­vail­lons avec Le Cabanon Ver­ti­cal, qui est un col­lec­tif d’architectes et d’urbanistes, pour créer les struc­tures d’accueil, tra­vailler en con­cer­ta­tion avec les habi­tants mais aus­si avec les per­son­nes qui passent à tra­vers le site, qui habitent de l’autre côté de l’autoroute L2. On veut créer un dia­logue avec les usagers qui vien­nent pren­dre le bus pour se ren­dre dans le cen­tre-ville. Comme on le sait, les quartiers Nords sont très isolés et peu acces­si­bles en bus.

Tu te sers des plantes pour analyser le sol ?
C’est un ter­rain qui n’a pas été remanié depuis les années 70. Nous avons fait des analy­ses de sol et le ter­rain n’est pas pol­lué. Par con­tre, la terre est très tassée, le sol est très com­pacté. Aujourd’hui, l’étude des plantes bio-indi­ca­tri­ces mon­tre que le sol est très basique, il n’y a pas de bac­téries, il est comme asphyx­ié. On dit qu’il est en anaéro­biose. Il est néces­saire de pass­er par une opéra­tion de sous-solage pour décom­pacter le sol, le remuer et l’amender. La pre­mière étape, c’est de retra­vailler le sol, lui redonner de la vie, le nour­rir. Puis nous planterons des haies sur tout le pour­tour du site pour le pro­téger du vent et nous lancerons les plan­ta­tions d’arbres fruitiers, de légumes et de plantes.

Le sol est très argileux et très com­pacté : pre­mière étape, le décom­pacter et lui redonner de la vie. ©Maëlle Thueux

« Nous avons fait un inven­taire du fonci­er disponible à Mar­seille : il y a 230 hectares poten­tielle­ment mobil­is­ables, c’est qua­si­ment la super­fi­cie du 3ème arrondisse­ment de Mar­seille. »

Quels sont les poten­tiels pour l’agriculture urbaine à Mar­seille ?
A Mar­seille, il y a énor­mé­ment de poten­tiel pour l’agriculture urbaine en pleine terre, ce qui n’est pas le cas de toutes les grandes villes en France. Nous avons fait un inven­taire du fonci­er disponible : il y a 230 hectares poten­tielle­ment mobil­is­ables, c’est qua­si­ment la super­fi­cie du 3ème arrondisse­ment de Mar­seille. Le fonci­er disponible se trou­ve plutôt sur la 3ème couronne, en périphérie. Mais il y a aus­si des poten­tial­ités en ville. Avec l’engouement actuel pour l’agriculture urbaine, j’espère que les poli­tiques vont favoris­er le développe­ment de nom­breux pro­jets.

Quels sont les incon­vénients pour l’agriculture urbaine à Mar­seille ?
Il faut aller sur cha­cun de ces ter­rains, iden­ti­fi­er à qui il appar­tient, voir si le sol est pol­lué, trou­ver des aides, notam­ment auprès des col­lec­tiv­ités, pour le lance­ment de nou­veaux pro­jets.

Interview : Manon Chalindar
Photo de Une : Le projet de la micro-ferme Capricorne ©Cité de l’Agriculture Marseille

In this article