María Guevara Perea a répondu à la crise sanitaire qui a bouleversé les plans de sa toute jeune ONG LuzAzuL, en portant assistance autour de chez elle. Un volontariat ultra-local avant de pouvoir (re)partir vers d’autres horizons.
Dans le sud de l’Espagne, le Covid-19 a privé Séville d’un traditionnel printemps de fêtes populaires et religieuses. La Semaine Sainte et la Feria de Séville, évènements qui brassent chaque année des dizaines de milliers de personnes dans la colorée capitale andalouse, ont été annulés pour suivre les recommandations sanitaires. Comme dans toute l’Espagne, l’un des pays les plus touchés d’Europe, la pandémie de Coronavirus a renvoyé tout le monde chez soi, bouleversé les habitudes, chahuté l’économie, mis sur pause de nombreux projets. Celui de María Guevara Perea n’a pu y échapper. Elle organisait le premier voyage de son ONG, LuzAzuL, prévu en juillet au Maroc. « Il s’agissait d’un projet d’initiation au volontariat, pour que les jeunes qui n’en ont jamais fait puissent avoir une première expérience et ne plongent pas directement dans l’inconnu à l’autre bout du monde », détaille la jeune femme de 22 ans. « Les 80 places étaient déjà prises, il y avait même une liste d’attente. Mais c’est tombé à l’eau. Les actions de LuzAzuL sont désormais totalement distinctes de l’objectif originel donné à l’association. »
Un projet recentré sur l’ultra-local alors que de petites solidarités ont germé partout dans le pays. « Je veux aider, que ce soit au Pérou, au Maroc ou la rue d’à‑côté. Si le besoin est derrière chez soi, il faut se réinventer », poursuit-elle. La soupe populaire du quartier est débordée ? María donne un coup de main. Sortir le chien, descendre les poubelles ou faire les courses pour les populations à risque, peu rassurées à l’idée de mettre le nez dehors ? María et les 30 volontaires qu’elle coordonne à travers la ville s’en chargent. Qui appelle-t-on pour distribuer les masques confectionnés par une entreprise voisine ? María et son réseau. Elle admet peu dormir de manière générale, avoir la bougeotte après de longues semaines de quarantaine. Son énergie lui sert à « avoir chaque jour une nouvelle idée. On fabrique aussi des paniers solidaires que l’on accroche aux arbres du quartier. Les voisins y mettent de la nourriture, ceux qui en ont besoin la prennent. Ils sont vides aux heures des repas mais toujours réapprovisionnés », précise-t-elle. C’est à instant d’ailleurs que sa mère Angela Perea González interrompt l’entretien réalisé par Skype –confinement oblige- pour lui montrer les affiches qu’elle a peintes et accrochera aux paniers solidaires.
Depuis sa chambre aux murs bleu et blanc parsemés de photos de voyage, où María prépare les travaux finaux de sa double licence en relations internationales et sciences politiques, elle évoque le rôle de sa mère, ingénieure du bâtiment de 56 ans. Primordial. « Elle est la base de LuzAzuL, le pilier qui soutient tout. Avant de créer l’ONG, j’avais peur de ne pas être prête, de ne pas savoir la gérer. Ma mère m’a poussée. Sans son soutien moral et économique, je ne l’aurais pas fait. » L’association est officiellement née en janvier 2020 pour développer et coordonner des projets de coopération et de volontariat international. LuzAzuL, une histoire de famille ? En partie. L’engagement profond vient de María, le soutien inconditionnel d’Angela. « Avant de créer l’ONG, j’ai fait partie de l’association España Rumbo al Sur (qui promeut l’engagement des jeunes à l’étranger) pendant cinq ans. Comment j’y suis rentrée ? Ma mère a vu une pub à la télévision. Elle savait que ça allait me plaire, a cherché sur internet et m’a laissé le document sur mon bureau. Tout est parti de là », se rappelle María, qui a ensuite poussé sa mère à l’accompagner pour un volontariat en Ouganda. Le nom de l’association, LuzAzuL, est un palindrome. « Cela représente les deux visages d’un même monde où apprendre à voir les autres comme notre propre reflet dans un miroir », décrit le site internet. Comme María et Angela ?
La Sévillane attend avec impatience la fin du confinement pour repartir à l’étranger. Après deux années d’étude à Tokyo (Japon) et Buenos Aires (Argentine), ainsi que des voyages sur presque tous les continents — il lui manque l’Océanie — María voudrait relancer les projets de l’ONG. Ce premier séjour initiatique au Maroc ; la coopération à Medellín (Colombie) pour régénérer par le tourisme un quartier qui vivait du trafic de drogue ; celle au Pérou, pour prêter assistance au sein de deux centres de malades psychiatriques. « Je veux pousser mes amis d’ici à me suivre, mais aucun ne fait partie de l’association. Cela ne les intéresse pas beaucoup. Ils me disent : “Non María, cet été tu vas à Medellín, moi à la plage”. Dans mon entourage, il n’y avait personne d’aussi engagé et que je pouvais imiter. J’essaie d’être cette personne pour les autres. »