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Une fois que le dégag­isme s’en­clenche il faut être réac­t­if pour suiv­re le mou­ve­ment d’un peu­ple. Dimanche 10 mars 2019, 15–38 était dans la man­i­fes­ta­tion à Mar­seille au cœur de l’ambiance algéri­enne pour récolter les sen­ti­ments, la parole d’une pop­u­la­tion que l’on croy­ait résignée face à l’incurie d’un pou­voir sans vis­age.

Les Algériens de Mar­seille sont à l’unisson dans l’expression de leur reven­di­ca­tion. En effet, si le prési­dent Boute­fli­ka était l’arbre qui cachait la forêt du sys­tème clien­téliste algérien, les citoyens algériens de Mar­seille n’ont jamais était dupes de la stratégie du pou­voir.

Stop­per le 5ème man­dat du prési­dent en fau­teuil ne va pas pour autant arrêter le jeu de chaise musi­cale qu’entraine la rue algéri­enne. Ain­si, la matu­rité de toutes les généra­tions algéri­ennes de Mar­seille par rap­port à leur volon­té de change­ment rad­i­cal du sys­tème est d’une déter­mi­na­tion sans borne. Les mots d’ordre sont : paci­fisme dans les man­i­fes­ta­tions et ténac­ité dans la néces­sité absolue de chang­er rad­i­cale­ment le sys­tème algérien.

Les Algériens au micro de 15–38 ne sont pas haineux face à la déchéance de Boute­fli­ka. Leur prob­lème réside dans la non représen­ta­tion du pou­voir les con­cer­nant, tout en ayant con­science que tôt ou tard le sys­tème devait chang­er au vue d’une scis­sion généra­tionnelle entre un pou­voir vieil­lis­sant à l’allure fan­toma­tique et une jeunesse en manque de per­spec­tive et de lib­erté.

Le pre­mier Algérien que je croise est un jeune entre­pre­neur recy­cleur de cig­a­rettes, Abdel Salam. Il n’oublie pas cepen­dant dans quelles con­di­tions Boute­fli­ka est arrivé. Il le remer­cie pour le ser­vice ren­du à la nation mais il con­vient que ce ser­vice ren­du, chemin faisant, s’est trans­for­mé en sys­tème de pré­da­tion en bande organ­isée. Ici encore la chute de Boute­fli­ka ne le sat­is­fait pas, il en veut plus.

Une autre généra­tion plus loin dans le ven­tre de Mar­seille en plein cœur de Noailles. Alors que le marché goûte au pre­mier ray­on mati­nal du soleil, mon, micro, ma caméra et moi déam­bu­lons dans les ruelles à la recherche d’une voix du pays d’essences berbères.

Le voici qui se présente dans notre champ de cap­ta­tion. Mr Fares n’y va pas par trente-six chemins pour gag­n­er la bataille. Selon lui, Boute­fli­ka c’est bien, mais il ne faut pas faire retomber la pres­sion sur la “mafia” en place. Farès en par­le en con­nais­sance de cause, il a 74 ans et pour lui le sys­tème n’a rien fait de bon.

Retour au café proche du Cen­tre Bourse, voici Hichem qui me cherche du regard. Il a envie de par­ticiper à la dis­cus­sion avec les Algériens même s’il est Maro­cain. Pour lui quand un peu­ple du Maghreb se libère c’est tous les autres qui sont proches de leur lib­erté.

Pour Hichem, la des­tiné des Algériens et la sienne. D’ailleurs il était avec ses amis algériens lors de la man­i­fes­ta­tion de dimanche dernier. Hichem loue la force de la jeunesse mais se méfie de l’ingérence du l’ancien pou­voir colonisa­teur qui pour lui est tou­jours présent dans le sys­tème algérien. Il s’explique.

Je con­tin­ue ma quête de parole algéri­enne dans le cen­tre ville de Mar­seille, du Cen­tre Bourse, je fais un saut de puce au Vieux-Port à la recherche d’une voix fémi­nine. A la place, me voici face à un cou­ple Toufik et Abassia. Pour Toufik qui fut mil­i­taire à ses heures algéri­ennes au ser­vice du sys­tème, il ne fait pas de doute que la mon­tagne à laque­lle s’attaque les Algériens a des pieds dans du béton armé.

Il fau­dra plus d’une man­i­fes­ta­tion pour le l’ébranler. Abassia est quant à elle dans la même veine que son mari Toufik. Elle pré­cise toute­fois qu’il faut bien rester dans le com­bat paci­fique pour ne pas tomber dans le piège de la vio­lence.

Je quitte le cou­ple love and maried Toufik et Abassia pour embrass­er le regard que porte Hicham sur l’avenir de son pays. Ca tombe bien, il était à Alger ce week­end. Pour lui, le sys­tème Boute­fli­ka est tou­jours là, avec la nom­i­na­tion des caciques du pou­voir pour faire con­tre-feu au soulève­ment paci­fique et pop­u­laire.

Pour Hicham, la seule chose à crain­dre c’est la vio­lence des ombres san­guinaires du sys­tème. Il se sou­vient de la décen­nie d’ultra vio­lence dans les années 1990.

Pour finir, retour sur mes pas avec les Algériens d’ici et d’ailleurs. Les com­merçants sont dans le jus, leur poli­tique c’est donc le porte mon­naie. Et pourquoi pas les spé­cial­istes de la cig­a­rettes à la sauvette, au coin de la rue. Ces jeunes que le sys­tème a mis à la marge avant que d’eux-mêmes ils ne pren­nent la nage vers la dérive à quitte ou dou­ble.

Les his­toires dif­fi­ciles du départ ils les con­nais­sent. D’habitude, ils ne par­lent pas trop aux étrangers, mais je sup­pose qu’ils m’ont enten­du par­ler arabe donc par respect pour celui qui fait l’effort de les com­pren­dre, ils ren­voient l’ascenseur.

Com­mençons par l’enfant d’Annaba, Hichem. Le sys­tème a une dent con­tre lui. Selon lui, c’est le pou­voir au jeunes et rien d’autre. Il est accom­pa­g­né à la voix d’un de ses frères de la survie du quo­ti­di­en de Noailles… Tesma3 comme on dit là-bas Tesma3..

Puis voici Farouk qui se présente. Lui aus­si veut exprimer pourquoi le sys­tème algérien doit chang­er. Il com­mence par me décrire son par­cours, et franche­ment si Her­cule a effec­tué 7 travaux, Farouk lui a fait le tour de la Méditer­ranée pour atter­rir à Mar­seille. En l’écoutant ce n’était pas une sinécure.

Après avoir écouté Farouk relater son chemin de croix à défaut d’un crois­sant de lune, je com­prends l’unanimisme des quelques Algériens de Mar­seille que les ondes de 15–38 ont pu capter. Nous irons dans d’autres secteurs de la ville enten­dre la voix des Algériens, à l’écoute de leur marche paci­fique vers un avenir qu’ils souhait­ent meilleur.

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