Depuis le mois de décembre, une maison du quartier de Saint-Just à Marseille est occupée par le collectif 59 qui vient en aide aux mineurs isolés étrangers. La solidarité s’organise face aux défis intérieurs et extérieurs.
La bâtisse est imposante. Pierres beiges et volets clairs, elle dénote dans le quartier de Saint-Just où les bâtiments usés côtoient les plus modernes, comme le siège du Conseil départemental, juste en face, baptisé « le vaisseau bleu ». Appartenant au diocèse de Marseille, la maison devait être vendue à l’Institut Méditerranéen de Formation. Mais en décembre 2018, elle est occupée et devient un refuge pour les mineurs non accompagnés étrangers de la ville livrés à la rue.
Aujourd’hui, 250 personnes l’habitent, dont 145 mineurs et 40 familles avec 63 enfants, chiffres qui évoluent au gré des départs et des arrivées. A l’intérieur, la vie s’organise : une cuisine collective, une salle de jeux, des espaces de repos aménagés grâce aux nombreux dons privés et venant d’associations, comme Emmaüs pour le mobilier. Dans les couloirs, des panneaux annoncent les permanences des sages-femmes et les cours de langue.
La solidarité est là. Il n’est pas rare de voir passer des voisins ou des Marseillais, venus faire un don, filer un coup de main. Le pari est risqué et le défi de taille pour les bénévoles qui s’activent dans la maison depuis plusieurs mois maintenant. Car les traumatismes vécus durant les parcours migratoires des réfugiés et la promiscuité due au manque de moyens créent parfois des tensions auxquelles ils n’étaient pas forcément préparés. Ce samedi de février, un vide-grenier a pris place devant la grande bâtisse. L’occasion de recevoir et d’ouvrir la maison vers l’extérieur, de sortir du huis clos et d’échanger avec le public.
Quelques jours plus tard, le maire d’arrondissement Stéphane Ravier, du Rassemblement National (ex Front National), tient une conférence de presse contre les occupants de la maison et « l’immigration clandestine ». Les élections européennes ne sont pas loin. Au 31 mars, l’Institut Méditerranéen de Formation dit vouloir récupérer le bâtiment. Que deviendront ses habitants ? Le conseil départemental, en principe chargé de l’accueil et de la protection des mineurs, prendra-t-il enfin en charge les jeunes habitants de Saint-Just ?
Nous avons rencontré des bénévoles et des habitants du squat Saint-Just, retrouvez leurs témoignages sonores ci-dessous.
Habitante du squat Saint-Just depuis l’ouverture le 18 décembre 2018 :
« Si ce n’est pas pour fuir un risque dans nos pays, pourquoi à votre avis on prend le risque de traverser les eaux internationales ? J’ai passé des mois dans la rue à Marseille, du 5ème à mon 9ème mois de grossesse. Je ne bénéficie d’aucune aide, j’espère que ce lieu va perdurer. »
Pourquoi ouvrir ce squat ? Réponse d’une bénévole.
« Il est certain que nous ne sommes pas en mesure d’apporter l’aide que pourrait apporter le service public, on fait donc comme on peut. L’ouverture du squat est avant tout politique afin de rappeler aux institutions leurs devoirs et de dire que nous, en tant que citoyens membres de ce pays, nous ne sommes pas contents du non respect des lois par les institutions. On permet à des personnes devenues invisibles dans les rues, à être enfin visibles. »
Quel est le quotidien de cette maison ? Réponse d’une bénévole.
« L’objectif était d’intégrer les habitants de ce squat à l’organisation, et de ne pas être nous les sauveurs qui gérons tout. C’est parfois difficile de se positionner et de définir à quel point on est amis avec eux. »
Sila, un ancien habitant mineur du squat témoigne, il a pu reprendre aujourd’hui ses études.
Hélène Bourgon et Coline Charbonnier
Départ des habitants du squat Saint Just
Il est 8h30 ce jeudi 4 avril 2019, quand les habitants de la maison du squat Saint-Just doivent se présenter devant des travailleurs sociaux du groupe Addap13 (Association Départementale pour le Développement des Actions de Prévention) missionnés par le département des Bouches-du-Rhône afin de prendre en charge les personnes mineures. Cette mission dédiée en principe à l’autorité départementale n’a pas été respectée jusqu’ici et a donc été assurée par les citoyens dans cette grande demeure. Installés à l’extérieur devant la maison, les travailleurs sociaux enregistrent les noms, prénoms et situation administrative des personnes qui se présentent à eux. Des jeunes font des allers retours dans la maison et reviennent avec une valise ou un sac sur le dos, ils font leurs adieux sous le regard attristé et impuissant des gens mobilisés à leurs côtés durant ces 4 derniers mois. Ils ont noué des liens forts et les ont accompagnés, soignés, écoutés, suivis. Le propriétaire de la maison, le diocèse de Marseille, avait exprimé la volonté de reprendre les lieux fin mars, suite à quoi le département a réagi en organisant seulement quelques jours auparavant la venue de plusieurs structures afin de reloger les personnes. Les personnes du squat ont elles été prévenues la veille. Cette chute suscite un sentiment d’échec chez certains membres du collectif Saint-Just qui est parvenu à organiser un réel espace de vie, rythmé par des réunions, des activités, des cours de langue, une cuisine commune, avec certes parfois des difficultés liées aux traumatismes psychologiques des personnes, mais cela fonctionnait. Aujourd’hui l’avenir des jeunes et leur accompagnement sont à nouveau incertains, car il est question de leur répartition en quelques heures dans des hôtels de la ville, nouveaux “lieux de vie”, d’où certains ont été, ils s’en souviennent encore, virés au bout de quelques mois malgré leur minorité et l’obligation du conseil départemental de les prendre en charge. C’est pourquoi le collectif Saint-Just prend le soin de garder les coordonnées de chacun des jeunes (145) et des familles (40) si ces derniers-ères devaient encore une fois vivre l’enfer de la rue. Un autre organisme se charge d’enregistrer les familles, elles aussi redirigées dans des chambres d’hôtel où l’on sait combien la vie quotidienne est difficilement supportable.
Une membre du collectif témoigne :
Entretien tonique avec monsieur Le Monnier, directeur général adjoint du groupe addap13 en charge du pôle mineurs non accompagnés :
Malik a peur pour son avenir :
Hélène Bourgon
>Suivi de l’information : Aujourd’hui qu’en est-il ?
Une semaine après l’évacuation des personnes mineures et des familles par l’Addap13, 96 personnes sont toujours hébergées dans le bâtiment occupé. 29 familles dont 35 enfants et 18 mineurs, mineurs non accompagnés (MNA) qui devraient être pris en charge par le conseil départemental d’après les conventions qui assurent la protection de l’enfance. Ils n’ont cependant pas été pris en charge par l’Addap13 le jour de leur venue. Aucune proposition de relogement ne leur a été faite, contrairement aux engagements pris par le conseil départemental et la préfecture, de reloger tous les occupants de la maison squat Saint Just.
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